« Le passé doit conseiller l’avenir »
Sénèque ; Les lettres à Lucilius LXXXIII – env. 64 ap. JC
L’école Saint-Joseph a subit une rénovation et un agrandissement majeur au cours de l’année 2018 ; constituant les plus importants travaux réalisés depuis sa réouverture le 1er octobre 1950.
A l’occasion de l’inauguration des nouveaux bâtiments, voici quelques éléments historiques du développement de notre école.
Le 21 août 1891, M. Joseph Genoud, maire de Bons, certifie avoir fait afficher à la porte de la mairie de Bons le projet d’ouverture d’une école privée de filles au lieu-dit l’Abondance. Le bâtiment avait été construit par l’abbé Mattelon lui-même. Ce dernier était à l’origine du projet d’ouverture de cette école privée pour lequel une souscription avait été lancée dans la paroisse. Le Chanoine Révérend Paul-Nicolas Truffat (à noter que le Rd Truffat est issue d’une famille aïeul de la famille Truffat-Culaud dont plusieurs descendants sont encore scolarisés cette année 2019-2020 aujourd’hui à l’école Saint-Joseph : Alicia Culaud, Marceline, Faustine et Gaspard Januel), né à Bons en 1816, supérieur de la Royale maison de Superga et recteur de la basilique du même nom au-dessus de Turin, par son testament daté du 11 décembre 1863, avait légué, entre autre, à la commune de Bons une rente de 1000 francs or sur la dette publique italienne pour l’entretien d’une école de filles tenue par des sœurs : les sœur de la congrégation de Saint-Joseph qui donneront à l’école son patronyme. L’école ouvrit en donc en 1892, avec, comme directrice sœur Julie de Jésus, dite sœur Julie, à qui succèdera en 1896 celle qui fut son adjointe, sœur Marie de la Visitation, elle-même suivie en 1901 par son adjointe sœur Anne-Justine jusqu’à la fermeture de l’école en 1903.
Les sœurs seront contraintes à quitter Bons, par l’application des décrets du gouvernement Combes. Leur départ eut lieu le samedi 6 juin 1903, veille du jour limite qui leur avait été assigné par le commissaire de police de Thonon. La population de Bons a témoigné aux religieuses son regret de les voir s’en aller, en les accompagnants jusqu’ à la gare de St-Didier. Un article de La Croix de la Haute-Savoie a fait connaître à tout le département cette manifestation de la ferveur et de l’affection populaires envers les sœurs.
Depuis cette date l’école restera fermée (hormis une utilisation du bâtiment pour d’autres activités comme celles d’un dispensaire médical)… jusqu’à la rentrée du 1er octobre 1950, qui vit sa réouverture, grâce à l’initiative et aux démarches du curé-archiprêtre de Bons Joseph Brand, en poste à Bons depuis 1944. En faisant appel aux services de la congrégation des sœurs de la Croix, de Chavanod, qui avaient accepté d’envoyer à Bons une religieuse infirmière, une religieuse institutrice pour l’école, et une religieuse formatrice pour une école ménagère. La petite communauté fut logée au 1er étage du bâtiment. Il fallut au moins trois ans pour réaliser ce projet de réouverture de « l’école des sœurs ». L’annonce de cette réouverture de l’école libre fut diversement accueillie dans la paroisse, la commune et la municipalité. Certains, dont le maire Henri Boucher, soucieux de rassembler et réconcilier la population suite aux divers déchirements de la période du gouvernement de Vichy et de l’occupation allemande, étaient sans doute quelque peu réticents devant ce qui pouvait apparaître comme un éventuel nouveau facteur de division.
Après avoir bénéficié d’un premier agrandissement à son extrémité Ouest (classe enfantine au rez-de-chaussée aujourd’hui devenue la « salle rose » et école ménagère à l’étage aujourd’hui bureau de la secrétaire), l’école primaire fut rouverte avec une classe enfantine mixte (équivalent des classes maternelles), d’une classe de fille et une autre de garçon conduisant jusqu’au certificat. Parmi les élèves qui ont fait cette réouverture on trouve plusieurs grands parents des enfants scolarisés aujourd’hui dans l’école… La classe enfantine était tenue par Mademoiselle Monique Bastian (épouse Pinget plus tard), la classe de fille par Sœur Gabrielle Dumont (originaire de Chevenoz et belle-sœur de Jean Berthet, membre de l’équipe de France de ski entre 1945 et le début des années 50), et la classe de garçon par l’abbé Henri Nanche originaire d’Allonzier, et que pour la circonstance l’évêque, Mgr Auguste Cesbron avait nommé vicaire-instituteur.
La plupart des élèves de cette réouverture étaient issus de familles pratiquantes provenant de la paroisse, et quelques-uns des paroisses voisines : Brens (en fait Langin et Choulex), Brenthonne, et St-Didier.
Pour cette réouverture le bâtiment initial a été allongé d’une travée sur son côté ouest. A cette construction ont travaillé notamment Léon Deruaz de St Didier. Les travaux qui été terminés à temps, ont été équipées d’un mobilier neuf incluant pupitres réalisés en bois et tubes métalliques réalisé par Pierre Bétemps, ferronnier à Langin, et Albert Lavy, ébéniste au « Petit-Paris ».
Pendant plusieurs années une kermesse paroissiale fut organisée sur la place de la poste, avec messe en plein air. Le bénéfice des stands et jeux servit au financement des travaux réalisés à l’école St Joseph et aussi à l’église. De menues tâches d’achèvement, par exemple la construction d’un petit muret de séparation entre la cour des garçons et celle des filles se poursuivront dans les années suivantes. En témoignent deux vers du poème consacré à Bons (« Bons nad Lemanem »… trd. « Bons sur Léman ») rédigé en langue polonaise par Czeslaw Miloscz, prix Nobel de littérature, qui résida en 1953, le temps d’un été quelque peu prolongé, dans la maison voisine de l’école et appartenant à Albertine et Marguerite Charmot (aujoud’hui à Dominique et Marcel Pignal-Jacquard) : « Le curé gâche à la pelle la chaux devant l’immeuble de l’école. »
Le « curé » ainsi saisi en action est bien évidemment l’abbé Nanche, en train de brasser du mortier dans la petite cour de l’école réservée aux élèves de la classe enfantine (aujourd’hui le parking des enseignants). Ainsi l’école Saint Joseph est-elle évoquée dans un poème qui fut clef pour la compréhension de l’art poétique de ce prix Nobel de Littérature, et qui justifia la présence à Bons, sur les lieux où il fut composé, de tout un groupe d’universitaires européens venus participer, en septembre 2011 à l’invitation de l’Université de Genève, à un colloque à l’occasion du centenaire de la naissance de l’écrivain.
En 1973 l’école Saint-Joseph à subit un agrandissement par la création d’un premier préfabriqué qui accueilli à la rentrée de septembre 1974 une classe pour les petites et moyennes sections de maternelle, et une autre classe avec les grandes sections et le CP, portant le nombre de classes à 4. Le bâtiment originel accueillait alors une classe avec les cours des CE1 et 2, et une dernière avec les CM1 et 2. La création d’une 5ème classe a été permise grâce à un nouvel agrandissement dans les années 1990, puis d’un autre avec la création du bâtiment à l’extrémité Nord de l’école incluant la classe de petite et moyenne sections, une cantine et le périscolaire.
Aujourd’hui c’est une nouvelle grande étape dans l’histoire de la construction et du développement de l’école: la création d’un nouveau préau, la construction de 3 classes, la réhabilitation en cantine des deux classes de filles et de garçons lors de la réouverture de l’école en 1950 (c’est la première fois depuis sa création en 1892 que le bâtiment originel n’accueillera pas de classe pour des raisons d’accès à tous).
Ce nouveau grand projet de réhabilitation / construction n’aurait pas pu voir le jour sans la présence du Président de l’OGEC actuel, Monsieur Sébastien Descriaux, architecte de son état, qui a donné de son temps sans compter pour la réalisation des plan et le suivi des travaux…
Comme ses prédécesseurs à la tête de l’OGEC et d’autres personnes qui ont été toutes majeurs pour le développement de l’école, il a su donner un élan à notre école Saint-Joseph, qui au fil de son histoire a été façonné par des femmes et hommes très impliqués : c’est là toute l’âme de cette école.
L’histoire de l’école aujourd’hui s’appuie sur celle depuis sa création, et servira demain de fondations au futur de l’école de nos enfants.
Jean-Marie Januel
Membre du comité OGEC avec la contribution de Denis Louis Lavy (un des élèves de la réouverture du 1er octobre 1951)